«Hegel fait quelque part cette remarque que tous les grands événements et personnages historiques se répètent pour ainsi dire deux fois. Il a oublié d’ajouter : la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce (…), la première fois l’Histoire se répète comme tragédie, la seconde fois comme farce». Les propos sont de Karl Marx.
Je crois que la répétition de l’Histoire n’est pas fortuite. Elle est à la fois avertissement et prévention à l’endroit des hommes qui font leur propre histoire.
Elle les incite à s’instruire des conditions dans lesquelles ils vivent, à s’enquérir de celles qu’ils ont héritées du passé et à agir en conséquence c’est-à-dire à donner un sens à leur histoire, à veiller à ce que l’Histoire après avoir été une tragédie ne soit pas une farce.
Dès l’aube des indépendances africaines, l’intégration a été perçue comme le moyen adéquat pour mettre fin au colonialisme, pour prévenir le néocolonialisme et contrecarrer l’impérialisme.
On voyait en elle, la condition idoine permettant d’œuvrer au développement économique du continent. Dans cette perspective, des visions et des idéologies différentes ont été élaborées, des rivalités sont nées : l’Afrique a été divisée en deux blocs.
En janvier 1961 le groupe de Casablanca, groupe dit progressiste ou révolutionnaire voit le jour. Composé du Ghana de Kwame N’Kruma, de la Guinée de Sékou Touré, du Mali de Modibo Keita et du Maroc de Mohamed V.
Il prône l’unité continentale «du Cap à Bizerte, et d’Accra à Zanzibar», le transfert du pouvoir des gouvernements nationaux à un gouvernement fédéral, l’établissement d’un budget fédéral, ainsi que la mise en place d’une armée continentale.
Le chef du gouvernement algérien Ferhat Abbas et le représentant du roi Idriss de Libye ont également participé à la réunion constitutive du Groupe de Casablanca.
En mai 1961, au Liberia, au groupe de Brazzaville créé en décembre 1960, composé du Congo Brazzaville, du Gabon, du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, de la Haute-Volta, du Dahomey, de Madagascar, du Niger, du Sénégal, de la République Centrafricaine et du Tchad, se joignent le Togo, la Sierra Leone, le Liberia, le Nigeria, la Somalie, la Libye, la Tunisie et l’Éthiopie, pour former le Groupe de Monrovia.
Ce groupe avait comme leader l’ivoirien Félix Houphouët Boigny. Son objectif était de faire échec au Groupe de Casablanca.
Or, la coopération, selon les dires du général de Gaule, est une autre forme colonisation :
«Nous avons chagriné la colonisation en coopération parce que l’objet de la colonisation qui était de créer pour la métropole des zones d’influences politico-économiques et d’assurer le rayonnement de la civilisation métropolitaine était sauvegardé par la coopération».
C’en était fait de l’union politique de l’Afrique, du gouvernement continental et de l’armée fédérale. Le groupe de Monrovia, le micro-nationalisme avaient triomphé.
La victoire du groupe de Monrovia est l’expression tragique de notre histoire.
L’Afrique d’aujourd’hui n’est pas plus libre que celle des années 60, elle est dominée par les puissances étrangères, elle végète depuis 60 ans dans les micro États. L’indépendance, l’indépendance véritable attente d’être proclamée.
L’Histoire se répète : l’indépendance, l’indépendance véritable attend l’heure de sa proclamation.
Deux groupes se distinguent : le groupe d’Abuja pendant historique du groupe réactionnaire de Monrovia, il comprend les pays membres de la CEDEAO; le groupe de Niamey, réplique du groupe progressiste de Casablanca. Les pays de l’AES en sont les membres.
Ce qui se joue dans cette répétition de l’Histoire ce n’est pas seulement l’avenir de l’Afrique de l’Ouest, c’est aussi le devenir du continent africain, ce qui s’y joue, c’est l’indépendance vraie, la liberté effective, la souveraineté entière.
En fondant la Confédération des États du Sahel, le Burkina Faso, le Mali et le Niger embrassent ces enjeux, et marchent vers un destin fédéral radieux.
Pour elle-même et pour l’Afrique, l’AES a pris dans l’adversité le chemin de la dignité.
Ce n’est pas une farce.
Professeur Farmo M.
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